On vous explique pourquoi il faut (toujours !) honorer ses réservations au resto

Posé.e sur une terrasse ensoleillée, avec quelques verres au compteur et une jolie brochette de potes, la réservation au restaurant saute à la même vitesse qu’un shot au comptoir. Avez-vous pris la peine d’appeler ? Pourquoi me direz-vous ? Et pourtant !

Cauchemar des restaurateurs, la pratique d’annuler sans même prendre la peine de passer un coup de fil hante les cuisines. Manque à gagner sévère, on lui donne même un nom: le « no-show », littéralement « ne pas se présenter ». Si les théâtres, les concerts et les hôtels jouissent du Saint-Graal de la réservation en amont, les restaurants quant à eux, n’en bénéficient absolument pas. Et pourtant sur le papier, tout est similaire : on fixe une soirée à deux ou à plusieurs, on passe un coup de fil, on
réserve via les applications et le jour J, le restaurant bloque la table, le rendez-vous est pris. Mais à quel titre les restaurateurs sont-ils déconsidérés ? Sans avoir sorti sa carte bleue, l’impact est amoindri et on voit rarement le problème à planter un restaurant. Et finalement, c’est un râteau d’un autre type. Un ghosting 3.0 qui tend à se répandre
face aux multiples sollicitations – et à une certaine forme d’impolitesse. «L’empreinte bancaire ? Ce n’est pas notre philosophie, on n’a pas envie de mettre une pression sur nos clients ! C’est du plaisir avant tout. Et puis, il y a aussi l’action groupée, si on est seul à le faire, c’est compliqué, » assure Florent, directeur des Résistants au cœur du 10ème arrondissement de Paris.

Certains restaurateurs ne lésinent pas sur les astuces pour tenter d’enrayer ce phénomène. Le chef du très prestigieux Barabba, Riccardo
Marco, à Copenhague a frappé fort : afficher les prénoms des concernés sur un immense tableau noir accroché au mur de son restaurant ! Résultat : une fresque ultra-dense qui révèle l’étendu des dégâts – et une honte immédiate si tenté que vous soyez concernés. Car le chef l’assure : « au-delà d’être un manque de respect, c’est une catastrophe économique pour les restaurateurs. J’aime mes clients mais à force de voir au fur et à mesure le tableau se remplir, les curieux ont pris conscience que cette mauvaise habitude causait un réel tort à la profession. Le respect est mutuel ! Personnellement nous sommes une grosse structure, l’impact est amoindri. C’est surtout les plus petites enseignes qui en souffrent beaucoup. » Au-delà de l’affichage, la sonnette d’alarme est tirée.

Aude Bertrand

Un phénomène en expansion : vers un Name & Shame ?

Car si l’erreur est possible, cette vilaine habitude aurait quasiment doublé ces deux dernières années. D’ailleurs la pilule est encore plus difficile à faire passer lorsqu’on sait que le no-show entraîne un manque à gagner allant de 5% à 20% par an. Florent subit de plein fouet les annulations sur le vif. Catégorique, il assure : « Perdre 10 à 15 couverts par soir, c’est perdre notre plus-value. En ce moment, on a 20% de no-show par jour, on passe donc d’une bonne soirée à celle où l’on perd
littéralement de l’argent. L’équilibre économique tient à ces réservations, si on en perd, c’est la cata. Du coup, on envoie tous les jours des textos pour confirmer la table avant 18h. Finir par perdre du
temps pour ça, c’est dommage ! Il y a un mépris fondamental pour les serveurs, les cuisiniers, nous. On se sent comme des gueux. Il y a une
fois ou j’ai dû sévir envers une tablée de quinze personnes qui ne sont pas venues un midi. J’ai appelé pour prévenir que j’allais les afficher sur les réseaux sociaux, et ils ont dû payer. C’est triste d’en arriver au Name & Shame: c’est-à-dire afficher publiquement le nom des concernés! D’autres alternatives pour éviter le no-show ? Dorénavant sur nos applis de résa, La fourchette et ZenChef, on a des alertes si les clients ont déjà fait faux bond, au moins on est prévenu à l’avance. Au bout du compte, il faudrait les bannir, mais bon on ne veut pas encore ostraciser des clients! Donc appelez-nous, ça prend deux secondes! »
Véritable danger qui menace sérieusement l’économie des structures, on ne se doute pas qu’un « rendez-vous manqué » puisse créer un tsunami aussi vaste derrière. Surtout lorsque l’on sait que les listes d’attente sont longues et que d’autres seraient ravis de profiter de votre annulation. En effet, il faut également souligner ce point : chaque no-show prive le restaurant de potentielles réservations, provoquant un fort mécontentement et surtout un grand nombre de chaises vides. Alexandre Mazzia, chef du restaurant trois étoiles le AM insiste: « Les no-shows créaient chez moi de véritables dommages collatéraux : au-delà de la perte de chiffre d’affaires que peuvent représenter 10 couverts non honorés sur 24, les clients assis à côté des tables vides me demandaient pourquoi eux avaient eu tant de mal à réserver ou pourquoi on leur répondait que le restaurant était complet…» Or, le syndrome de la chaise vide impacte aussi la réputation du restaurant. Quid des clients de dernière minute rejetés alors qu’il y avait de la place ? Quid des clients réguliers qui constatent que le restaurant n’est jamais rempli ? Le changement est plus que nécessaire.

Empreinte bancaire bonsoir, no-show au revoir

Un avis partagé par Ninon, aux commandes de Brutos, lieu parisien incontournable, qui signe « Mettre en place l’empreinte bancaire nous a
sauvés.»
Et pour cause « parfois, on passait la journée à refuser des résa car on était censé être complet, et le soir, la moitié ne se pointait même pas. Après une telle pandémie, on est obligé d’agir pour survivre. Après une semaine à 100 no-shows, j’ai failli tout lâcher. On a donc commencé par imposer une empreinte bancaire pour les groupes,
et aujourd’hui pour tous. C’est une demande symbolique de 20 euros qui n’est prélevée que si tu n’appelles pas. Depuis c’est incroyable, on a eu seulement deux incidents en 6 mois, ce choix nous a sauvé. La transition est dure, au début on a perdu beaucoup de clients et puis petit à petit, les mentalités évoluent. Aujourd’hui, le problème est éradiqué, et on respire enfin ! »
Efficace, simple, à l’instar d’autres loisirs,
l’empreinte bancaire semble révolutionner le quotidien des restaurateurs qui méritent de bénéficier des mêmes avantages. S’il faut pour cela bousculer les habitudes des gourmands, c’est pour le mieux : garantir les réservations optimise l’expérience et permet de pérenniser la confiance mutuelle pour un plaisir garanti. Et à ceux qui râlent, ambiance «c’était mieux avant », on a envie de dire qu’ils doivent surement être de ceux qui plantent, sinon quelle différence ? Personnellement, on pourrait SHOW tous les soirs !

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Camille Laurens

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