On vous raconte notre virée avec celui qui détient les Clefs d’or de Rome

« À Rome, fais comme les romains », dit le dicton. Il ne nous en fallait pas plus pour s’y plier dans les règles de l’art en compagnie d’Agostino Sità, qui le temps d’une soirée, nous a guidé dans les rues de la cité éternelle. Il y connait les moindres recoins. Sa profession ? Concierge en chef du Sofitel Villa Borghese, ce qu’il affiche avec fierté sur les revers de sa veste où deux duos de clefs d’or sont accrochés.

Dans le hall du Sofitel Borghese, derrière un comptoir vert laqué, l’œil alerte et le geste assuré, un homme accueille sa clientèle. Il se plie en quatre pour satisfaire leur moindre demande. On le reconnait aux clefs croisées sur sa veste, la marque prestigieuse de la conciergerie de l’hôtellerie de luxe. Ces clés sont celles d’un gardien, et ce dernier semble prendre cette charge très à cœur. Sur la poche de sa chemise bleu ciel on peut lire «A.S», « brodés par mon épouse ! ». Quelques indices vestimentaires qui en disent long sur Agostino Sità. Le chemin qu’il a parcouru et la satisfaction qui en découle. « Je suis rentré dans le métier comme réceptionniste et maintenant je suis concierge dans un hôtel 5 étoiles qui compte 78 chambres dont 7 suites. En 2006, j’ai reçu mes Clefs d’or, et j’ai été élu président de cette confrérie à Rome quelques années plus tard. » Il faut dire que ce n’est pas n’importe quel hôtel, ni n’importe quelle ville. Récemment rénové par l’architecte Jean-Philippe Nuel, le Sofitel Borghese a pris place dans un Palais du 19e siècle et fait la part belle aux contrastes. A mi-chemin entre tradition classique et rococo, la modernité du design et de l’aménagement donne à l’hôtel un cachet inattendu, dans une ville qui très souvent mise uniquement sur son riche patrimoine. Agostino explique. « Sofitel, c’est l’esprit français ! On apporte donc quelque chose de nouveau à Rome mais on valorise aussi notre culture locale. » Comment faire autrement, à l’ombre des cyprès du parc de la Villa Borghese qu’on peut admirer du toit terrasse du restaurant, le Settimo, porté par le chef Giuseppe d’Alessio.

Quand on lui fait remarquer qu’il maîtrise très bien la langue de Molière, Agostino n’en fait rien. « Non non, c’est rudimentaire ! » rien que ce dernier mot confirme notre impression. Mais s’il parle couramment le français, c’est qu’il y a une raison. S’il devait exercer son métier ailleurs, ce serait à Paris nous dit-il. Et quand on soupçonne une flatterie aux chauvins que nous sommes, il rétorque qu’aucune autre capitale n’est à la hauteur de Rome à ses yeux. Bon, dans ce cas, nous nous laissons convaincre. Discussion faisant, Agostino nous embarque dans un van, pour une virée nocturne. Une des activités proposées par l’hôtel pour vivre « Rome à la romaine ». Le combi Volkswagen vintage nous attend devant le perron, et les Bee Gees chantent dans l’habitacle. Ambiance ! qui contraste fort avec l’habituel sérieux d’Agostino.

La circulation bruyante et joyeuse de Rome, un toit ouvrant, tout le loisir d’y passer une tête pour s’offrir les meilleurs points de vue de la ville éternelle, il n’en fallait pas plus pour être conquis par l’opération, qui de prime abord aurait pu paraître comme « attrape touriste ». Le jardin des orangers accolé à la plus ancienne basilique du monde finira par nous convaincre définitivement du plaisir d’une dolce vita revisitée et de ses escales panoramiques.

On s’étonne de voir Agustino sous les néons rouges du van, prendre des photos de la ville qu’il connait par cœur et dont il détient les clés. Il répond l’air amusé que la lumière change tout le temps et qu’il ne s’en lassera jamais. Et à la question de son endroit favori à Rome, il préfère ne pas trop choisir. « C’est un voyage dans le temps cet endroit. De la Rome Antique au baroque. Des quartiers populaires aux quartiers des ambassades, tout a un charme fou. Ce que j’aime ce sont les petites places pavées où il y a de l’animation ». Ça tombe bien, nous voilà arrivés Piazza Trilussa, de l’autre côté du Tibre. Nous allons nous attabler dans un de ses endroits préférés : l’Enoteca Ferrara.

Ici, Maria, qui préfère qu’on l’appelle Marie, est aux commandes et pas qu’un peu. C’est qu’il ne faudrait pas laisser refroidir les beignets au charbon qu’elle nous sert généreusement en guise d’amuse-bouche. De bonne augure sur les quantités à venir ! Et ne parlons pas du vin, lorsque la cheffe vient déposer sur la table deux énormes cartes des boissons, tels des grimoires d’un autre temps. « Choisissez ! » lance-t-elle. Heureusement Agostino le fera pour nous. Le calabrais de naissance sélectionne un vin sicilien qui « apporte la salinité de la mer et la terre de l’Etna dans le verre ».  Nous, d’un commun accord, on trouve surtout que cela sent l’asperge, ce qui n’a rien pour nous déplaire !

Emballés par l’atmosphère conviviale, nous posons la question qui fâche : « Pâtes ou pizza ? » La réponse fuse. « Pâtes, bien entendu ! Si je ne mange pas de pâtes, j’ai l’impression de ne rien manger » [ malheureux ! aurait-il pu ajouter.] Et dans son assiette choisie et servie par Marie, sa complice de longue date, des cacio e pepe maison, un incontournable romain. « Et votre pâte préférée ? » s’aventure-t-on … cette fois ci, une hésitation. Mais très vite, avec un ton franc : « les linguine ».

N’est pas romain qui veut, et encore moins président des Clefs. Au moment du café, on s’entendra dire que ce n’est pas une boisson mais une expérience. Une nouvelle façon de déclarer sa flamme à la ville des milles églises.  « En réalité, il y en a plutôt deux mille », surenchérit-il, et on lui accorde volontiers cet orgueil bien placé, car nous aussi, nous sommes charmés.

Sofitel Rome Villa Borghese

hôtel
Via Lombardia, 47 – 00187 Rome, Italie

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