Christophe Vasseur, boulanger

Dans le Xe arrondissement de Paris, on peut trouver l’une des boulangeries les plus courues de la capitale. Chaque vendredi, avant que l’équipe prenne un repos bien mérité, c’est la ruée : les parisiens sont prêts à traverser la ville pour déguster le Pain des Amis.

Depuis quelques années, Christophe Vasseur, 45 ans, est devenu l’ambassadeur du bon pain à la française. Que ce soit en France ou au Japon, il profite d’une renommée grâce à son savoir-faire presque oublié. Le métier de boulanger est difficile, et pourtant il attire de plus en plus de monde «Il y a énormément de gens en reconversion professionnelle qui veulent le faire et j’essaie autant que possible de les mettre en garde». Ce métier plaît car c’est le travail manuel par excellence, il y a quelque chose d’infiniment chaleureux et poétique dans l’idée de faire du pain. «C’est un peu comme dans La Femme du boulanger, on se dit que c’est fabuleux mais c’est surtout physique et très technique… Sur toutes les personnes qui me contactent, je pense que 90% d’entre eux ne se sentent pas prêts à exercer ce métier… Ils ont un manque de conviction, ils ne savent pas réellement quoi faire mais ils savent qu’ils veulent changer de vie.»

En revanche, Christophe a toujours voulu devenir boulanger. Ses parents lui conseillent de faire des études d’abord et de voir ensuite. Il s’embarque pour deux années de prépa, suivies de trois années en école de commerce. «On nous fait croire qu’on est l’avenir et on finit par oublier l’essentiel. Le bonheur c’est pas de faire du fric.»

Christophe se lance finalement dans la boulange. Il passe son CAP en candidat libre, l’obtient « ras les pâquerettes » puis suit trois mois de formation. « A l’époque, je manquais de bouteille, il m’a fallu quatre ans pour obtenir ce niveau d’excellence. Par exemple, je ne poussais pas autant mes cuissons. J’étais aussi en quête de matières premières nobles ayant plus de goût, comme le lait Gaborit. Ce lait, on dirait de la crème, il a une palette aromatique fabuleuse. »

À la boulangerie, Christophe utilise largement plus de 30% de bio mais il s’en fiche un peu, ce qui lui tient a cœur est de proposer un produit de qualité savoureux.

Chez lui, aucune boîte de conserve  : « on veut du goût ». Père d’une petite fille de 3 ans et d’un garçon de 7 ans, il raconte que sa plus belle récompense, c’est qu’un jour, sur la route des vacances il leur achète des petits pots, « mais attention hein, le petit pot super top ! » Les enfants recrachent tout. L’an dernier, son garçon s’est retrouvé à un goûter d’anniversaire. Alors que la maman présente fièrement son fraisier, le gamin lui explique qu’il n’en veut pas, car ce n’est pas la saison. Et toc.

Du savoir-faire et énormément de sentiments, c’est ce que l’on peut ressentir lorsqu’on apprend à connaître Christophe. Il a le souci du travail bien fait, du goût. «En cuisine, quand les gens sont bons, tu le vois dans l’assiette, eh bien je crois que dans mon métier c’est pareil. Dans notre activité professionnelle, on met plus que des idées, on y met aussi de l’amour, on donne des émotions.» 

Pour certains, goûter ce pain s’apparente à un retour dans le passé, les saveurs si particulières, la croûte du pain au goût délicatement fumé les ramènent à des souvenirs enfouis au plus profond de leur mémoire.

«Mes plus beaux moments restent quand je touche le cœur des gens. Il y a cinq ans, un homme qui devait avoir 80 balais bien tapés vient me voir à la boulangerie, il m’embrasse et commence à me raconter son histoire avec des trémolos dans la voix. Il me dit qu’il est petit fils de boulanger, qu’il se souvient de tout mais que le pain, il l’avait perdu. Son épouse était venue acheter le pain des amis et avait laissé le paquet sur la table. Le pépé me dit « heureusement que j’étais assis, c’est comme si j’y étais ». Dans une époque comme la nôtre, les gens sont sensibles à ça, à l’humain. C’est comme ça qu’on peut choisir de donner du sens à sa vie, et même si ça ne plait pas à tout le monde, on s’en fout.»

Chose frappante, l’équipe compte une majorité de japonais. En effet, Christophe m’explique que le Japon a commencé à s’intéresser à la pâtisserie il y a vingt ans et au pain il y a seulement une dizaine d’années. « Parce qu’ils aiment l’authenticité du produit« , voilà comment le boulanger s’est fait connaître jusqu’au pays du soleil levant. Les japonais sont venus à lui afin d’acquérir son savoir-faire. Il les forme de A a Z. Lui-même n’a suivi que son instinct « C’est peut être une chance de ne pas avoir fait d’école, ça donne quelque chose de singulier et c’est ça l’artisanat ». En ce qui concerne les écoles, Christophe regrette que l’on n’apprenne plus à faire du vrai pain dans la plupart des centres d’apprentissage. De même, les croissants ont été retirés du programme à l’éducation nationale : « la profession de tourier, ça fait 20 ans qu’elle n’existe plus. Ils parlent de le remettre mais on n’en est qu’au balbutiement ». Il reste énormément de choses à repenser dans la profession, pour que ce métier reste attractif pour les jeunes et que le savoir-faire ne se perde pas. Mais pour cela, on peut compter sur Christophe Vasseur qui partage avec passion ses idées et son talent de boulanger.

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DA / photographe / illustratrice
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Noémie Cédille
Noémie est co-fondatrice de Mint. Elle s'occupe de sa direction artistique et de son design depuis sa création. Créative touche à tout, elle réalise également des reportages photos et des illustrations pour accompagner les articles du magazine.

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