Le grand retour de la rando !

Longtemps associée à une activité de retraités, la randonnée connaît un second souffle post-confinement, portée par une vague de jeunes citadins en manque de nature et de convivialité. Conjugaison entre bien-être et militantisme, rencontre avec ces néo-clubs de rando qui défendent l’idée que la nature appartient à tous.tes, quelles que soient ses origines, sa classe sociale ou ses connaissances sportives.

C’est un dimanche après-midi de début de printemps. Vous êtes en pleine forêt de Fontainebleau en Seine-et-Marne, à 45 minutes de Paris. Au détour d’un bosquet, vous croisez un groupe de jeunes d’une vingtaine d’années, sapés en sportswear flashy et diffusant un mix Soundcloud sur leur enceinte portable. Ils discutent, se détendent, les
bières circulent et les rires fusent. Croyez-le ou non, il s’agit d’un groupe de randonneurs. La rando vit un vrai retour de hype. Se délestant
de son image de pratique désuète, principalement à destination des retraités, cette forme de balade au grand air séduit une nouvelle vague de fans. À pied, en solo ou en groupe, la randonnée s’impose comme une rupture nette avec une vie urbaine étouffante. Si elle a longtemps été pratiquée en vacances, loin du quotidien, elle se rapproche désormais de la ville. Séduisant un public d’actifs jeunes, assoiffés d’air pur et souvent non véhiculés, la randonnée renaît sous une forme plus accessible, inclusive et conviviale: tour d’horizon de ces clubs de randonnée 2.0 qui visent à redéfinir les codes de la pratique.

Cyril Charles

Un public rajeuni et des itinéraires accessibles

L’activité a connu une véritable cure de jouvence. La preuve : aujourd’hui, 75 % des visiteurs de Rando Navigo ont entre 25 et 40 ans. Créé en 2015, ce site web propose des itinéraires de randonnée accessibles en transports en commun depuis la capitale. Le pitch: de la rando à portée de Pass Navigo. « Beaucoup de personnes pensent
que sans voiture, il est impossible de se ressourcer en pleine nature, »
explique Michaël, le fondateur du site web. «Le réseau de transports en Île-de-France est pourtant très complet et mène bien plus loin que ce que l’on pense. » Balade de 12 km à travers la forêt de Meudon, boucle de 22 km en Vallée de Chevreuse, expédition de 32 km en direction du Château de la Roche-Guyon… Il y en a pour tous les goûts et les niveaux. Sans surprise, la situation sanitaire a exacerbé les envies de nature. « Le nombre de visites sur le site a littéralement explosé après
le premier confinement,
confie Michaël. Au point de recevoir un email d’un de mes services d’hébergement » Ceux qui ont eu la possibilité de fuir la ville ont pu constater l’ampleur des dégâts d’une vie citadine à 100 à l’heure.
RF Lewis a passé le confinement chez ses parents dans le 77 : « c’est là que je me suis rendu compte à quel point j’étais entouré de bitume au quotidien, et que ça faisait vraiment du bien de respirer en pleine nature,» se souvient-il. Première idée reçue: la rando, c’est un truc de vieux. C’était ce que pensait le cofondateur du club de randonnée Rando Hôtel Fragile, créé en mai 2021 avec Jean-Charles Leuvrey de la station de radio Hôtel Radio Paris : «Avant, quand on me parlait de randonnée, je pensais directement à la boutique Au Vieux Campeur,» confie t-il. «C’était pour les retraités qui avaient le temps d’aller se promener.»
Même discours chez Sophie Léger, cofondatrice du caviste Fro Paris et à l’origine du Giorgio Hiking Club, lancé en avril 2022. «Avant de monter mon propre club de randonnée, le seul exemple que j’avais en tête c’était le Club Vosgien, où la moyenne d’âge est de 60 ans, » explique t-elle. «Pas du tout mon délire! »

Cyril Charles

L’art de la déconnexion

Ce nouvel engouement pour la randonnée s’inscrit dans ce que les Américains appellent la wellness culture, qui regroupe alimentation saine, activité physique régulière et attention à la santé mentale. Au cœur du concept est le principe de déconnexion, qui prend une toute autre importance dans un contexte de crise sanitaire. C’est pour se
déconnecter d’un quotidien éreintant que Sophie Léger s’est tournée vers la randonnée: comme beaucoup de restaurateurs, elle a dû adapter
l’offre de Fro Paris en optant pour la livraison à domicile. Résultat : des journées épuisantes à sillonner Paris en vélo. «Au bout de quelques mois d’activité intense, j’ai ressenti un énorme ras-le-bol de manière générale, » explique t-elle. « La circulation, les gens qui gueulent… J’ai eu envie de sortir de la ville et d’enfin accéder au silence. La randonnée m’est apparue comme une évidence. Une fois que tu as goûté à ça, tu ne peux pas revenir en arrière. » Pour RF Lewis, s’échapper dans la nature était avant tout un moyen de passer du temps loin de son téléphone. «Par mon métier, j’ai toujours vécu des réseaux sociaux, » raconte le créateur de contenu digital. «Là, non seulement on a une influence positive et concrète sur la vie des gens. On les invite à prendre l’air et à faire du sport – mais tout ça sans téléphone. Personnellement, ça m’a fait beaucoup de bien. En plus, les gens se rencontrent, discutent entre eux. Certains viennent en solo et finissent par se faire des potes, car on est tous dans le même mood. Une création de communauté en direct !»

Vers plus d’inclusivité

La pratique de la randonnée souffre avant tout d’une image très figée. Ce qui rassemble ces néo-clubs, c’est la volonté d’ouvrir l’activité à un public plus diversifié. « La nature n’est pas réservée à une élite,» reprend RF Lewis. « On n’a pas tous été élevés dans un milieu où on se balade le weekend. La plupart de nos participants viennent de banlieue parisienne, comme moi. Réussir à gravir une montagne, ça fait des merveilles pour l’estime personnelle.» Pionnière du genre, à Los Angeles, Hike Clerb se décrit comme « un club de randonnée pour femmes et BIWOC (Black, Indigenous Women of Color) ».
Depuis 2017, le groupe organise retraites et randonnées en non-mixité à travers la Californie, attirant l’œil de nombreux sponsors et travaillant à rendre le monde de l’outdoor plus équitable et inclusif. « Le but est de faire en sorte que l’industrie de l’outdoor compte plus de personnes de couleurs,» confie la fondatrice Evelynn Escobar au magazine Vogue.
« Car aujourd’hui ceux qui prennent des décisions relatives à la diversité et à l’inclusion ne sont pas issus de minorités… Il s’agit pour nous de faire en sorte que des membres de notre communauté soient là pour prendre les décisions qui nous concernent.» À Paris, la même volonté a animé Coralie Jouhier et Daqui Gomis, fondateurs du restaurant vegan Jah Jah. Depuis mai 2021, l’établissement organise des sorties mensuelles via le Jahiking Club, club de randonnée qui se décrit comme «représentant les minorités dans de nouvelles pratiques sportives en extérieur.» Hélène, consultante social media de 33 ans, a participé à une des balades proposées par le club en forêt de Fontainebleau. «Ce qui était vraiment cool, c’est qu’il y avait des gens de tous âges et de toutes origines, dont une vraie représentativité de la communauté noire notamment,» raconte t-elle. Maman de deux garçons métisses, Hélène espère que ce genre d’initiatives améliorera la diversité au sein des sports de plein air. « D’après mes souvenirs, durant les séjours à la montagne qu’on a pu faire en famille, mes enfants et leur papa étaient bien souvent les seuls noirs de la station,» précise-t-elle. « Idem pour les autres communautés. Le domaine des activités en plein air gagnerait vraiment à être démocratisé auprès de minorités.»

Ariana Mamnoon
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Fleur Burlet

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