Hard seltzer, raz-de-marée sur les eaux alcoolisées

Si le nom ne vous évoque rien, c’est peut-être que comme nous, vous vivez en France. Le succès phénoménal du hard seltzer aux États-Unis a été si fulgurant qu’on en mesure à peine l’onde de choc aujourd’hui. Comment s’est construite cette tendance autour de l’eau pétillante alcoolisée et qui sont les acteurs qui défrichent le terrain? L’équipe aux manettes du Syndicat, un des bars parisiens les plus cool de la ville, nous aide à décrypter le phénomène. À vos glaçons.

«Le hard seltzer, c’est comme si tu prenais toutes les tendances du moment et que tu les mettais dans un shaker», s’amuse Thibault Massina, barman et mixologue au Syndicat. «Une eau pétillante, aromatisée, peu calorique, sans gluten, vegan, sans sucres et peu alcoolisée», poursuit-il, elle répond donc à des besoins et serait une des seules boissons alcoolisées entièrement conçue pour coller à un nouveau type de consommation, quand la plupart se repose sur un terroir et un savoir-faire. Thibault n’est pas seulement barman, il est aussi membre de l’équipe Fefe, un des premiers hard seltzers français.

Success story

Il existe deux manières de faire un hard seltzer. La première repose sur une fermentation naturelle à base d’eau, de sucre de canne et de levure afin d’obtenir de l’alcool. L’autre consiste à travailler un hard seltzer à l’aide d’un alcool neutre comme la vodka, puis d’y ajouter des arômes et du gaz carbonique pour les bulles. Des méthodes que les brasseurs connaissent bien, ce qui explique pourquoi de nombreuses entreprises
s’engouffrent petit à petit dans la brèche ouverte par le marché américain. Tout débute aux États-Unis en 2013 avec l’arrivée de la marque Bon & Viv, mais ce n’est qu’en 2019 que le succès prendra avec White Claw, une entreprise créée en 2016 par un homme d’affaires canadien nommé Anthony von Mandl. Selon le Guardian, le leader aurait vu ses ventes augmenter de 320%. Avec de tels chiffres, White Claw écoulerait près de la moitié des ventes de hard seltzer aux Etats-Unis. Un succès sans précédent qui inspire peu à peu les industriels qui se lancent sur le créneau avec le Topo Chico de Coca Cola Company, le Canijilla d’Heineken ou encore le Bewiz de Pernod-Ricard. Une myriade de choix qui titre en moyenne à 4,5% d’alcool et qu’on trouve au rayon bières des supermarchés. Hormis la presse spécialisée, peu de médias se sont penchés sur le sujet des hard seltzer et pour cause, elle commence tout juste à trouver son public dans l’hexagone. Selon le cofondateur du bar Le Syndicat à Paris Romain Le Mouëllic: «Dans un an ou deux, les rayonnages des magasins n’auront plus rien à voir avec ce qu’ils sont aujourd’hui.»

Fefe, le hard seltzer Fait En FrancE

Fefe a été créé il y a un an grâce à Louis Malphettes, jeune étudiant épaté par la vague de hard seltzer qui déferlait sur les plages du Mexique. Il contacte l’équipe du Syndicat pour leur suggérer de lancer leur propre marque. Bien qu’il soit toujours en école de commerce, Louis est désormais actionnaire de Fefe et contribue à son développement. Contrairement aux autres acteurs du secteur, l’équipe a choisi de se démarquer en s’appuyant sur le savoir-faire de ses mixologues. L’aventure a commencé avec les jumeaux Sara et Hadrien Moudoulaud, tous deux barmen au Syndicat et à la Commune (l’autre établissement du groupe, ndlr). «Nous avons imaginé les recettes et les associations avant de partir à Grasse chez Jean Niel, un parfumeur français renommé. On a choisi l’entreprise qui correspondait le plus à notre philosophie car nos canettes suivent la même logique qu’au Syndicat: elles sont faites en France avec des alcools français afin de protéger notre terroir face aux grandes marques», rappelle Sara. Au terme d’une dégustation de cinquante recettes, l’équipe en sélectionne quatre: pêche-abricot-gingembre, aux tonalités rondes et suaves, concombre-eucalyptus qui offre une aromatique très pure, genièvre-pamplemousse qui fait penser à un Gin Tonic et enfin fraise-santal, une association gourmande dont le nez rappelle une confiture de mara des bois. «Il y a un monde entre les arômes que tu recherches et le résultat que tu vas obtenir. Dans le fruit tu n’as pas que de l’arôme, tu as aussi de la texture et ce sont des choses difficiles à travailler. Par exemple, pour le gingembre il y a le goût et le côté piquant. Afin de répliquer cette sensation nous avons ajouté un peu de piment», développe Hadrien. La méthode peut sembler obscure aux amateurs de cocktails classiques mais la mixologie est devenue hautement technique: «Notre métier s’est modernisé et bien qu’il s’appuie toujours sur des méthodes traditionnelles, on peut parler d’innovation dans l’univers du cocktail ne serait-ce qu’avec les méthodes de fermentation initiées par le restaurant Noma au Danemark. Les passionnés sont devenus apprentis chimistes et utilisent des Rotavapor (un évaporateur rotatif, ndlr ou encore des centrifugeuses qui permettent de séparer les matières… On n’a pas la blouse blanche mais on a les pipettes», s’amuse Sara.

De l’eau gazeuse, de l’alcool et du goût

Si les mastodontes du secteur outre-Atlantique ont défriché le terrain, c’est essentiellement avec des saveurs édulcorées qui rappellent le parfum et le goût chimiques des bonbons. En France, les marques indépendantes se montrent plus sobres avec des recettes plus naturelles. Thé noir et citron pour Natz ou encore mandarine-grenade et citron-citron vert pour Two Palms. Côté Fefe, la première version expérimentale menthe et cardamome a été élaborée à l’IFBM (l’Institut Français de la Brasserie et de la Malterie), pour l’heure elle n’est disponible que pour les professionnels. Pensé pour être consommé tel quel, le hard seltzer n’a guère besoin d’être mélangé à d’autres ingrédients. Thibault assure cependant qu’il est possible de s’amuser chez soi pour créer des mélanges plus audacieux ou plus alcoolisés! «La canette concombre-eucalyptus se marie parfaitement avec le St Germain. Il est même possible de faire un Sweet Vermouth en mélangeant la Fefe fraise-santal avec de l’absinthe.» Certains bars commencent peu à peu à s’approprier le produit en le proposant en cocktail ou en le servant simplement, accompagné d’une garniture. Afin de rendre cette démarche plus accessible, l’équipe du Syndicat travaille
désormais sur des gins et des armagnacs français destinés à pimper le goût de leurs canettes et à créer des cocktails plus complexes à la maison.

L’heure tourne et le moment de trinquer approche, Sara nous tend un cocktail opalin surplombé d’un nuage mousseux: «J’ai voulu vous faire goûter un cocktail avec le Fefe concombre-eucalyptus, ses arômes très nets s’accordent bien avec le cédrat, j’ai ajouté du lait de coco qui vient apporter une touche ronde et gourmande.» La moustache de lait qui se dessine au-dessus de nos lèvres peut en témoigner. Des spécialistes vont jusqu’à penser que ce produit pourrait partiellement remplacer la bière chez certains consommateurs… Sachant qu’un Américain sur deux consomme du hard seltzer chaque semaine, il y a fort à parier que cette boisson créée de toutes pièces a de très beaux jours devant elle. Concernant Fefe, ses canettes au design psychédélique imaginées par l’artiste Alexis Jamet sont à retrouver en ligne ou chez Monop’!

→ Pack de 4 canettes, 11,90€ – drinkfefe.com

À découvrir aussi :
-> drinknatz.com
-> bewizhardseltzer.com
-> twopalms.fr
-> topochico
-> canijilla.com
-> whiteclaw.com
-> bonvivspikedseltzer.com

À retrouver en intégralité dans Mint 22

Journaliste
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Déborah Pham
Co-fondatrice de Mint et du restaurant parisien Maison Maison. Quand elle n’est pas en vadrouille, elle aime s’attabler dans ses restos préférés pour des repas interminables arrosés de vins natures. Déborah travaille actuellement sur différents projets éditoriaux et projette de consacrer ses vieux jours à la confection de fromage de chèvre à la montagne.

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