En cure dans un hôpital ayurvédique : Delphine Plisson raconte

Destination nostalgie avec Delphine Plisson, prêtresse du bien-manger à la tête de deux épiceries fine-restaurants à Paris, Maison Plisson, qui nous raconte sa quête de bien-être dans un hôpital ayurvédique au sud de l’Inde, au milieu des épices et des soins aux huiles.

« Comme tous les voyages initiatiques, tout est parti d’une prise de
conscience. J’étais à un moment de ma vie où j’avais besoin de prendre du recul de manière radicale, confrontée comme beaucoup d’urbains à cette sensation d’être «empêchée». Mentalement, mon fantasme d’évasion se situait entre la retraite dans une ferme et l’isolement dans un couvent. Et puis je me suis souvenue de ce voyage en Inde que j’avais fait au début des années 90 à la fin de mes études, un voyage de 3 mois sans programme, chez l’habitant. J’ai eu envie d’y retourner, de retrouver ce plaisir du voyage pour le voyage. En quelques heures, j’avais réservé un séjour dans un hôpital ayurvédique du Kerala, dans le sud-ouest de l’Inde. L’ayurveda qui a vu le jour en Inde est l’un des plus vieux systèmes médicaux au monde, décrite dans l’Ayurvéda, le «Veda de la vie», l’un des livres sacrés de l’hindouisme (reconnue comme une médecine traditionnelle par l’OMS depuis 1982, ndlr). Une science millénaire qui vise à trouver et maintenir l’harmonie, à travers une hygiène de vie douce. Partout dans la région on trouve ces hôpitaux qui offrent des sortes de retraites pour faire de la médecine préventive, avec une vraie attention au soin, au corps, une remise en question de l’alimentation.

On dit que le Kerala est le jardin de l’Inde. Rien que le voyage
déconnecte, il faut 20h de trajet depuis Paris. Un sacerdoce. Mais à
l’arrivée tout est un réconfort pour les sens. Du vert partout, des rizières
à perte de vue, une région irriguée par des dizaines de fleuves sur lesquels ont longtemps transitées les épices à destination de l’Europe. En ce qui concerne l’hôpital, c’est bien loin d’y ressembler mais on est tout de même loin des resorts Six Senses. Tout y est très rudimentaire, essentiel. Des bungalows en bois hypra fonctionnels perdus au milieu de nulle part sans un village autour. Trois marches, un perron, un lit, une douche et des chiottes, pas de clim, mais un jardin et un hamac, du parquet à l’extérieur pour pouvoir pratiquer le yoga. Aucune distraction qui empêche de penser à autre chose qu’à soi. Et partout la plage sublime et sauvage où l’on peut marcher pendant des heures sans croiser âme qui vive. Avec mes bouquins, mes DVD sous le bras et zéro connexion wifi je me suis évidemment pris un coup de flip en arrivant. Mais au bout d’une journée je me sentais déjà mieux. Ici pas de miracle morning mais un lever à 5h pour pratiquer le yoga (dont je ne connaissais rien à l’époque), marcher sur la plage pieds nus. La cure commence par une consultation avec un médecin qui, par une série d’examens et un questionnaire, détermine notre profil et nos déséquilibres, et propose un programme personnalisé pour retrouver cet équilibre. Autour des éléments, des énergies, des tissus. Chaque journée est unique, elle commence très tôt par une séance de yoga, suivie d’un petit-déjeuner, d’une balade sur la plage avant de partir à la séance de soin qui dure 2 heures tous les jours. Elles se poursuivent aussi par des séances de méditation, des cours de yoga, repas, massages et traitements pour stimuler les points énergétiques du corps et détoxifier l’organisme. Avant ou après les soins, on déjeune dans le calme, et les journées passent doucement… L’idée du Panchakarma (littéralement les 5 (pancha) actions (karma), une cure qui implique un processus de purification du corps pour nettoyer les toxines du corps, ndlr) c’est une régénération générale qui débute par tout ce qui fait office du filtre du corps: la peau, le foie. Les deux premiers jours sont consacrés à des soins autour de la peau, avec des massages aux huiles essentielles concoctées sur place et avec des soins bourrés d’épices. C’est ça qui me revient immédiatement quand j’y repense, l’odeur des épices partout, les herbes aromatiques et médicinales piochées dans le jardin pour faire les préparations. Et puis cette sensation d’un massage du crâne, assise à poil sur un tabouret en bois pendant qu’une thérapeute vous palpe en vous chantant des chants à l’oreille.


Je me souviens de soins comme podikhizi, des pochons chauds remplis
d’herbes et de graines, saturés d’huile chaude, qui sont appliqués par
tapotement sur tout le corps pour libérer les tensions. Ou du Sirodhara,
un soin qui agit sur le système nerveux. Une huile tiède est versée très
lentement sur le front pendant de longues minutes dans un mouvement de balancier. Très vite, je me suis sentie une patate d’enfer. Déjà j’étais souple comme un roseau alors que je n’avais jamais fait un chien tête en bas de ma vie, je faisais des nuits incroyables de 10h alors que j’étais – évidemment – à moitié insomniaque. J’étais prise en charge complètement, rien à penser sinon ce que j’allais devoir faire dans les 10 minutes qui allaient suivre. Mon corps secoué par les messages et les énergies. À table tout donne la pêche. L’alimentation est un des piliers de l’ayurveda car elle participe naturellement à l’équilibre général. Selon la constitution et de chacun et au rythme des saisons, les repas sont composés de recettes végétariennes, jamais froides mais tièdes ou chaudes, sans fruit ni sucres pendant les repas, et accompagnés de tisanes chaudes. La journée commence avec d’immenses buffets de fruits frais, de pastèques, de goyaves, de miel fabriqué dans le village d’à côté. Des currys de chou-fleur, des dahl de lentille, de l’idli qui est une bouillie de riz. À la fin de la cure, j’avais déjà réservé pour l’année suivante. Je m’étais fait une note vocale, un jour, sur la plage, avec tout ce que je voudrais avoir changé dans ma vie d’ici à mon retour. Depuis j’y retourne tous les ans et je ne dis jamais le nom de l’hôpital. Histoire d’éviter que l’adresse devienne les Cyclades. »

Propos recueillis par Raphaëlle Elkrief

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