Les chercheurs d'or des Langhe

C’est en sillonnant les routes des Langhe en automne que nous avons découvert où se cache l’or du Piémont, un petit champignon mystérieux et convoité, la truffe blanche d’Alba, le tuber magnatum picoEn fin de journée, dans les vignobles vallonnés de cette région, nous passons de l’ombre glaciale légèrement embrumée à la lumière dorée du versant opposé et l’on croise de temps à autre des chercheurs d’or d’un genre particulier accompagnés de leur chien, partenaire indispensable à leur quête.

Cet or du Piémont n’est pas un métal précieux, mais il éveille lui aussi les passions, la truffe blanche d’Alba, le tuber magnatum pico est un champignon mystérieux et convoité.

Alors c’est vrai, même si elle est toujours considérée comme un champignon à part, la truffe semble perdre son caractère exceptionnel. On la râpe copieusement sur les pâtes ou la pizza dans les restaurants italiens, on l’utilise pour parfumer de l’huile, du sel ou encore de la moutarde, mais voilà, il n’existe pas qu’une seule truffe. Il y en a de multiples variétés plus ou moins goûteuses, plus ou moins chères, comme les truffes musquées, les truffes blanches d’été ou celles qui sont considérées par les puristes comme des ersatz de truffes, les truffes de Chine.

Or, celle dont nous parlons ici, la truffe blanche d’Alba, est une truffe d’exception à l’instar du très connu tuber melanosporum du Périgord de couleur noire. Plus rare que ce dernier et exclusivement sauvage, elle coûte deux à trois fois plus cher, entre 3 000 et 4000 € le kilo. Cette truffe est récoltée de septembre à décembre en Italie et notamment dans le Piémont, au cœur des Langhe.

C’est là où vit Francesco, un viticulteur passionné dont l’activité principale est la production d’une véritable gourmandise, le Moscato d’Asti.

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Nous avions rendez-vous en fin d’après-midi dans sa maison posée au milieu des vignes baignées par la lumière de cette belle journée. À peine présenté, il nous fait monter dans son 4×4 avec Achille son chien truffier, un lagotto romagnolo blanc, surexcité par l’idée de sortir en balade. Nous arrivons rapidement à destination puisque nous sommes juste en bas de chez Francesco au bord d’un ruisseau bordé de chênes et de noisetiers.

Aussitôt sorti de la voiture, Achille se met en chasse fier et affairé, museau au sol, car il sait qu’il aura une récompense s’il trouve la précieuse pépite. Par moment, il s’arrête, renifle, commence à creuser. Francesco prend le relai, creuse un peu mais rien. Une fois, deux fois… En vain… Et puis, Achille, malin, va plus vite que Francesco et gobe la première truffe trouvée. « Il est jeune, fougueux et son éducation n’est pas encore totalement au point », nous explique Francesco. La nuit tombe, le froid se fait de plus en plus piquant, mais pas question de renoncer si vite. Achille recommence à renifler avec insistance et cette fois-ci c’est la bonne, une truffe est là. Celle-là, il ne la croquera pas et il aura une friandise en récompense. Francesco est heureux, nous aussi et on comprend pourquoi cette quête devient vite addictive.

En rentrant vers la maison, il nous explique qu’il a acheté Achille avec un ami deux ans auparavant, une année riche en truffes blanches qui a suscité les rêves de fortune ou tout simplement d’un complément de revenu. Malheureusement, la ruée vers l’or est souvent source de déception et en raison du manque d’humidité l’été ou encore de la pollution, la truffe se fait rare depuis l’acquisition onéreuse du chien (celle-ci peut aller jusqu’à 3000 euros selon son degré de dressage). Francesco ne perd pas son sourire pour autant et espère que les années à venir seront plus fructueuses.

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Arrivés chez lui, l’odeur du feu de bois est mêlée à une odeur plus âpre, celle de la truffe blanche d’Alba. Une dizaine de petits champignons dans son frigo suffit à parfumer toute la maison.

Nous rencontrons Massimo le compère de Francesco, professeur de piano, avec qui il a acheté Achille, ainsi que la maman de notre hôte dont on ne connaîtra jamais le prénom, car elle nous accueille comme des membres de la famille, « chiamatemi mamma ! » Elle est là pour s’occuper de sa petite-fille pendant la foire de la truffe blanche d’Alba à laquelle participent Francesco & Massimo pour tenter de vendre leurs trésors trouvés au pied des noisetiers.

Nous irons là-bas demain nous aussi, mais d’abord nous sommes généreusement invités à dîner. Au menu, des pâtes al ragù de la mamma, du fromage d’une ferme voisine, le murazzano et du vin, celui de Francesco, mais aussi celui produit par son père, pas très loin d’ici,avant de terminer par une indécente part de panettone préparé par son frère pâtissier à Milan… Oui, il y a des familles comme ça.

Après une nuit à la fraîche dans cette maison de campagne, il est temps de prendre la route vers Alba. Un premier pied posé dans cette ville et on est tout de suite saisi par l’odeur de pâte à tartiner qui l’envahit. Des usines de la plus connue des marques productrices sont, en effet, situées ici. Ce n’est pourtant pas cela qui attire la foule qui s’empresse dès le début de la matinée pour rejoindre la foire, temple du petit tubercule blanc.

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Sous de grandes tentes, des milliers de personnes naviguent entre les stands des chercheurs d’or pour regarder, comparer, acheter des truffes. Chaque exposant a sa méthode pour aguicher le chalan le stand à la façon d’un joaillier où chaque truffe est mise en valeur comme un diamant, le stand rustique avec la nappe vichy et le chasseur de truffes en tenue salie par la terre ou encore le côté théâtral avec le port d’un chapeau orné de petites truffes et de grandes exclamations pour attirer le regard. Les badauds passent de stand en stand, certains avec un grand sérieux pour repartir avec un met d’exception choisi avec soin, d’autres pour montrer leurs billets et se montrer par la même occasion au côté des petits champignons à coup de selfies truffiers à peine l’argent dépensé,ou d’autres encore, uniquement là pour assister à ce théâtre un peu fou.

Bien loin de la simplicité de l’accueil de Francesco, ce spectacle est d’ailleurs vite oppressant et nous décidons de filer.

Le Piémont est la terre de la slow food alors les occasions de déguster la truffe blanche d’Alba dans un cadre plus agréable ne manquent pas. Au coin d’un chemin dans un agriturismo ou en ville dans un restaurant, son odeur embaume de nombreux établissements en cette saison. Elle est traditionnellement servie tranchée en fines lamelles sur les tagliolini au beurre ou tout simplement sur un œuf au plat qu’elle sublime avec son arôme puissant. On l’accompagne d’un vin des Langhe, comme le Barolo, dont la réputation n’est plus à faire.

Après un déjeuner délicieux et un passage chez le glacier pour goûter un merveilleux semifreddo aux noisettes, les autres pépites de la région, nous nous plaisons à sillonner de nouveau les paysages viticoles piémontais avec les Alpes au loin. Nous croisons encore quelques chercheurs d’or avec leur fidèle compagnon et très vite, la douce lumière du lever de lune vient sublimer la vue. Les journées sont courtes en cette saison.

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Photographe
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Stéphanie Davilma
Stéphanie est photographe et aime inscrire son travail dans la lenteur. Celle de l'errance, de l'observation et du choix d'un sujet, aussi bien dans l'image que dans l'écriture.

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